Comment faire entrer dans le fonctionnement de la visualisation en géométrie ?
Construire des figures ou déconstruire des formes ?

Raymond Duvalr - Professeur émérite à l'Université du Littoral Côte d'Opale

Le rapport aux figures constitue le seuil critique, c'est-à-dire le plus difficile à franchir et aussi le plus décisif pour comprendre les démarches géométriques. Car aussi élémentaires et culturellement familières soient-elles, les figures en géométrie ne se regardent pas de la même manière, que des plans, des schémas ou que n'importe quel autre type de " dessin". D'où les deux questions, étroitement liées : (1) En quoi consiste la manière si particulière de voir qui est pratiquée en géométrie ? (2) Les activités multiples par lesquelles on fait travailler avec ou sur des figures, permettent-elles, ou non, de s'approprier le fonctionnement cognitif particulier de la visualisation géométrique ?
A travers les activités géométriques habituellement proposées aux élèves, l'enseignement tend à développer quatre manières de voir. Leur comparaison doit se faire d'un double point de vue, si l'on veut analyser en profondeur les processus d'acquisition en géométrie : celui, cognitif, des possibilités de transfert de l'une à l'autre et celui, mathématique, de leur pertinence ou de leur non pertinence pour la conduite des démarches géométriques. Cette comparaison met en évidence la rupture sous-estimée entre une visualisation iconique et une visualisation non iconique. Mais, en réalité, aucune de ces quatre manières de voir ne correspond à celle vraiment exigée par les démarches géométriques. Celle-ci consiste dans la déconstruction dimensionnelle des formes. Car tout raisonnement, " formel " ou " informel", comme toute formulation, impliquent la mise en œuvre de cette déconstruction dimensionnelle. Et c'est seulement pour les élèves qui entrent dans ce fonctionnement si particulier que les opérations de visualisation, de raisonnement et de formulation peuvent s'articuler en une démarche géométrique.